S’épanouir dans l’hypercroissance — Article 3

La remise en question vous permet de construire votre expertise pour choisir vos perspectives d’évolution. Ne limitez pas vos horizons.

Chloé Martinot
9 min readNov 15, 2020
Photo by Zach Wolf on Unsplash

🤔 Nous doutons de notre valeur.

Expert·e du scale

C’est une interrogation centrale chez les caméléons (cf article 1). Pris par le run ils n’ont pas le temps de faire le bilan. Les compétences que requierent le “scale” apparaissent rarement comme un champ d’expertise. Et pourtant, ce savant mélange d’adaptabilité, de curiosité, d’humilité, de pragmatisme et d’endurance a parfaitement sa place sur le banc des expertises.

“Je bossais avec Rodolphe, le CEO, sur tous les sujets business : Contacter un max de fondateurs de startups pour leur pitcher Spendesk et comprendre si on répondait à un besoin, si le produit matchait le besoin… J’ai fait un peu de tout et du coup à ce moment là je n’avais pas l’impression d’avoir développé une expertise très particulière.” — Maylis, Spendesk

La phrase de Maylis est légitime, le lancement d’une entreprise requiert des profils caméléons, sa structuration passe par le recrutement d’experts. Assez crûment je dirais même qu’elle peut “enfin” se les payer. L’expertise coûte cher.

Cependant, sans les caméléons, les experts n’auraient pas de travail en startup web, à moins d’être freelance, ce sont bien les premiers qui permettent à l’entreprise d’atteindre un stade de maturité suffisant à l’embauche des seconds. Je préfère le voir comme un passage de témoin. À une subtilité près, cher caméléon, le témoin peut se passer de votre main droite à votre main gauche. Je m’explique.

L’expertise dans les métiers web ne s’aquiert plus autant par de la formation théorique ou des diplômes sinon bien plus par l’expérience, le terrain, la veille, les recherches Google et des communautés. Tous les outils ont des bons tutos YouTube, les stratégies d’acquisition sont dans des newsletters au copywriting aiguisé, les contacts sur LinkedIn. D’ailleurs, nombreuses sont les formations digitales qui se lancent en mettant la pratique au coeur de leurs syllabus avec des cas concrets issus des startups : Noé par Maïa Metz ou encore The Design Crew par Jordan Warmoes-Nielsen.

L’expert est donc celle ou celui qui arrive à manier ces outils pour avoir une connaissance aiguisée du sujet. Donc, vous pouvez devenir un expert·e et vous passer votre propre témoin. Après tout, caméléon, s’il y a bien une chose qu’on fait vite et bien… c’est apprendre non ?

Prendre une grande claque

Les seules choses qui vous retiennent pour passer du stade caméléon à l’expert c’est le manque de temps, le confort et ce fichu syndrome de l’imposteur. C’est une bataille quotidienne que de lutter contre ces pensées décrédibilisantes : “Quand j’ai commencé la boîte était plus petite, je testais des choses mais il n’y avait pas autant d’enjeu.”etc... Stop. Vous avez toujours fait de votre mieux. C’est suffisant.

Peut-être que certains auront la franchise de vous dire qu’ils ont du mal à voir votre impact dans l’entreprise. C’est une bonne claque, certainement la démonstration d’un niveau zéro d’empathie et de reconnaissance pour le chemin parcouru.

Mais c’est peut-être pour votre bien…

Dites vous qu’un feedback pareil a coûté à cette personne, qu’elle sait qu’elle vous fait passer un message difficile, parce que vous méritez de l’entendre. Parce que vous pouvez (et devez) aller plus loin.

Peut-être que secrètement, vous savez que vous pouvez faire bien plus, bien mieux, que l’entreprise utilise mal vos talents, qu’elle ne fait pas resplendir vos capacités…

Et si c’était la claque dont vous aviez besoin ? 👋🏽

Investir dans la recherche de votre expertise

Il est temps de reprendre les rênes, et de choisir de faire ce qui vous éclaire, ce qui vous illumine et vous passionne vraiment.

Il ne s’agit plus, comme au lancement, de prendre les tâches comme elles viennent pourvu qu’elles contribuent au succès de la boîte. Il est temps d’investir dans votre domaine d’expertise.

Prenez une feuille de papier, faites deux cercles qui s’intersectionnent.

  • Dans l’un notez vos réalisations, ce que vous savez faire, ce que vos collègues et manager valorisent dans votre travail. Au passage, il est certainement temps de mettre à jour votre profil LinkedIn, d’écrire un article … Bref, célébrez vos accomplissements.
  • Dans l’autre cercle, notez tout ce que vous aimez faire, ce qui vous anime au quotidien, les problématiques dans lesquelles vous voudriez vous plonger.
  • Regardez si certaines choses se répètent dans les deux cercles, et cherchez le nom du job qui vous permet de faire les choses présentes dans les deux cercles.
  • Inscrivez le nom du poste dans l’intersection des cercles.

Vous pouvez ausi essayer la célèbre méthode japonaise Ikigaï pour prendre encore plus de recul et trouver l’intersection entre votre passion, votre vocation, votre profession et votre mission.

https://readyforchange.fr/ikigai-trouver-son-equilibre/

“Je fais l’effort de faire une rétrospective de mon année passée professionnellement parlant. Où est ce que j’ai été meilleur et ce que je veux apprendre. Cela devient mes objectifs de l’année d’après.” — Grégoire Back Market

Bloquez du temps dans votre agenda pour vous y former, abonnez-vous au meilleur contenu disponible, parlez-en autour de vous et vous ferez des merveilles.

🚩Petite anecdote, je n’avais pas fait de modification administrative de mon contrat de travail vers mon poste de Head Of Product, pourtant, grâce à cet exercice j’ai réalisé que toutes mes réalisations s’inscrivaient dans cette fiche de poste.

Alors que j’occupais déjà ce poste depuis 3 ans, j’ai demandé un avenant à mon contrat de travail. Ce n’est pas un détail, cela permet une prise de conscience de votre impact et de votre expertise.

En faisant le bilan des choses qui me plaisaient et de ce que je voulais changer dans l’expérience produit, j’ai compris que je voulais faire du Product Marketing. — Maylis, Spendesk.

Choisissez votre étape d’après, ne la subissez pas.

Penser que sa carrière est sur une courbe à tendance linéaire c’est imaginer qu’on progresse tous les jours avec la même intensité. C’est faux. Il y a des déclics qui vous font passer des paliers.

Pour moi, ce fut ce formidable article Hypergrowth and The Law of Startup Physics by Khalid Halim, qui résume les phases des startups en hypercroissance par des lois mathématiques.

J’insiste, je pense que c’est l’article le plus éclairant que j’ai lu dans toute ma veille depuis 2015.

Dans les grandes lignes, l’article dit :

  • Les humains grandissent de manière linéaire, vieillissent année après année, alors que la startup souhaite grandir de façon exponentielle.
  • Mathématiquement, il arrive un moment où la startup dépasse l’employé·e (cf graph). C’est tout à fait normal.
  • Que faire quand cela arrive ? Deux options, lui embaucher un·e boss (mais l’employé·e finira par partir) ou la/le virer. (U.S Style💥)
  • La pensée (vision) est la seule capacité humaine capable de grandir de façon exponentielle. Donc, les fondateur·ices, qui détiennent la vision de l’entreprise échappent à cette règle et restent les bonnes personnes peu importe le stade de l’entreprise tant qu’ils·elles nourissent leur vision hors du bureau. Autrement dit, ce sont les seul·es à grandir de façon exponentielle.
Le moment où la startup vous dépasse.

En terminant la lecture de cet article, j’étais émerveillée par cette façon mathématique de résumer les choses et furieuse parce que c’est incroyablement réducteur.

Je n’ai pas de problème avec la vision utilitariste qu’il peut exister entre une entreprise et un·e salarié·e tant que le contrat est clair et que chacun·e s’y engage librement (cf article 4) mais il faut absolument permettre des trajectoires de carrières différentes que les 2 options “hire above” et “fire the exec”. Voici donc d’autres sénarios envisageables.

Votre nouveau boss relance votre courbe d’apprentissage, vous restez.

L’article suppose que si quelqu’un est mis entre vous et le CEO, vous allez finir par partir. Dans mes interviews, comme dans mon expérience personnelle cela n’a pas été le cas. L’arrivée d’un·e boss a été bien accueillie. C’est parfois nécessaire pour s’accorder le temps de se recentrer et d’apprendre.

“En 2019, j’étais à un plateau dans ma carrière, je ne voyais pas de perspectives de croissance dans ma courbe d’apprentissage. Il me manquait un mentor, il me fallait quelqu’un qui soit dans les mêmes problématiques que moi et qui me propose des pistes d’explorations. Les fondateurs ne sont pas des managers, ils sont brutaux, ils ont besoin d’accélérer, pas de rentrer dans les détails de la solution. Avoir quelqu’un entre eux et moi a relancé ma courbe d’apprentissage.” — Thomas, CybelAngel

Ton CEO ce n’est pas un manager, il a trop de sujets. J’ai toujours fait les choses par moi-même mais à un moment je sentais que j’avais besoin d’avoir un vrai manager, pour me donner du feedback sur ce que je faisais, j’avais besoin de mentorat, de coaching.— Maylis, Spendesk

Au début de l’article, j’évoque la nécessité des profils “auto-gérés” mais passé une certaine période, l’entreprise s’étant structurée, les tâches de reporting, communication et management prennent le pas sur votre exécution.

Vous pouvez vous sentir en décalage entre la vision inspirante de votre CEO et le quotidien de vos tâches. Vous n’arrivez plus avec aisance à tracer le chemin qui permet l’exécution de cette vision. Et vous êtes peut-être en surmenage avancé…😖

C’est tout à fait normal, il peut être temps d’avoir un challenger, quelqu’un qui connaît votre quotidien, comprend vos problématiques et peut vous éclairer la route. Certes, il est rare que ces personnes soient aussi inspirantes que le CEO mais ce n’est pas ce que vous devez chercher en elles.

Vous devez les voir comme des accélérateurs pour vous. Je vous recommande les articles de Pierre FOURNIER sur le blog de ManoMano team pour voir la transformation et l’accélération du département Produit 😃.

Il y a toujours un brin d’amertume parce que c’est plus de verticalité qui s’installe, et je comprends qu’il va me faire grandir. Il m’a rendu meilleur, je suis hyper content.Oui, je ne suis plus aussi haut placé mais j’apprends tellement plus. — Grégoire Back Market

Vous changez de département

Il est aussi faux de croire que les startups grandissent à la même vitesse dans tous les départements. De nouveaux problèmes arrivent à chaque étape, de nouveaux départements s’ouvrent, de nouveaux pays s’ouvrent … Autant d’opportunités pour vous pour changer de poste.

De nouvelles compétences arrivent au fil de la croissance et vous pouvez devenir expert en la matière. (Courbe rose = croissance globale)

On a créé le poste avec Stéphanie et là j’ai eu un soulagement, je vais m’éclater, je vais pouvoir être plus moi-même, je vais sortir de cette posture. J’ai eu un soulagement. Je me suis vue dans ce poste. — Maylis, Spendesk.

Soyez-en convaincu·e, vous êtes même la meilleure personne pour ces nouveaux postes car :

  • Vous connaissez la boîte sur le bout des doigts
  • La mission et les valeurs infusent dans vos veines depuis des années
  • Vous avez recruté de bonnes personnes par le passé
  • Vous avez aider la boîte à grandir
  • Vous apprenez vite
  • Vous avez des compétences de scale

Allez, à la semaine prochaine !

Photo by Benjamin Davies on Unsplash

La suite…

ARTICLE 4 — Publication à venir le 11/12

⛵️ Partir : Comment savoir si c’est juste une mauvaise passe ou s’il est temps de partir ?

L’entreprise achète votre temps, mais aucun salaire n’approche la véritable valeur de votre temps de vie. Quelles que soient les raisons qui alimentent l’envie de partir, les caméléons oscillent entre la crainte de partir trop tôt et de passer à côté de la réussite du siècle et une démotivation progressive inhérente à la structuration de l’entreprise. Cela devient une plus grosse machine, les prises de décisions sont plus longues et son impact personnel y est moins mesurable.

--

--

Chloé Martinot
Chloé Martinot

Written by Chloé Martinot

Founder and CEO @Ouvrage, Former CPO & User Researcher @ManoMano — Feminist in Tech.