S’épanouir dans l’hypercroissance — Article 1
Fraîchement arrivé·e dans la startup, vous débroussaillez le terrain et accumulez de la connaissance. Comment grandir toujours plus vite que l’entreprise ?
🦎Nous sommes des caméléons.
Qu’importe la mission pourvu qu’on progresse.
À 24 ans, je voulais rejoindre une startup pour tout donner. J’étais dans mes meilleures années pour cravacher au travail sans culpabilité. Je voulais donner tout mon temps et mon énergie pour apprendre dans le vif du marché. Je me sentais prête à faire de longues journées pour un projet qui me prendrait aux tripes ; peu importe les tâches qui me seraient confiées pourvu qu’elles contribuent au succès du projet. Avec le recul d’ailleurs, je me rends compte de la chance que j’ai eu de trouver une entreprise bienveillante qui, peu importe son stade de croissance, n’a jamais valorisé le temps de présence sinon respecté le rythme de chacun·e pour être performant·e.
L’expérience est similaire pour Grégoire :
“À 26 ans, j’accepte de refaire un stage pour rejoindre BackMarket. Oui, j’étais payé au strict minimum, je devais déménager, mais j’avais une telle conviction que ça allait prendre de l’ampleur, que j’y suis allé à fond.” — Grégoire Back Market
En prenant l’aventure à ses débuts, vous acceptez d’être un caméléon, de redéfinir votre poste tous les jours. Vous acceptez, sans égo, des tâches qui n’entrent pas dans la définition de votre poste.
“Je ne connaissais pas le travail de service client, c’est un travail compliqué, tu prends des appels toute la journée. J’apprends sur le tas, je me débrouille. À l’époque, on avait un iPhone 5. C’était ça le support client de BackMarket !” — Grégoire
Vers l’inconnu et au-delà.
Au fil de la croissance, de nouveaux salariés vont prendre vos tâches. Une dizaine de personnes travaillaient dans l’entreprise à l’époque quand je les ai rejoint au poste de “Chef de produit webmarketing” ; aujourd’hui, une centaine d’employé·es se répartissent ma fiche de poste de l’époque… et tant mieux !
“Je suis rentré pour un stage, maintenant je suis le garant de la vision produit et j’incarne le lien entre tous les PM qui sont tous responsables de composants du produits.” — Thomas, CybelAngel
Vous êtes appelé·e à de nouvelles missions car votre connaissance des enjeux de l’entreprise vous permet d’aller plus loin. Finalement, c’est la raison pour laquelle vous avez rejoint une entreprise inconnue : avoir un maximum de responsabilités. Accueillez donc ces changements avec joie.
Tout ce dont l’entreprise a besoin à ce stade embryonnaire ce sont des gens auto-gérés, auto-motivés et auto-créatifs qui avalent les problèmes la tête la première, cherchent, se plantent et se relèvent en continu, tout cela avec passion. (a.k.a le “self-drive” décrit dans la culture Netflix)
Un caméléon atteint son efficacité maximale quand son autonomie est maximale : les mains libres et du soutien de la part de son management suffisent pour se sentir “pousser des ailes”.
L’épanouissement dans l’incertitude
Quel niveau d’incertitude m’épanouit ? Cette question va vous guider tout au long de votre carrière. Quand les contours de votre poste deviennent plus précis et que l’incertitude se dissipe, comment vous sentez-vous ? Est-ce apaisant ou mortifiant ?
Il n’est pas rare de voir des caméléons quitter un poste de management pour revenir à l’opérationnel. C’est également mon cas je quitte le poste de Head of Product pour monter le département de recherche utilisateur (UX Research). Plus d’équipe, plus de siège au CODIR. Simplement, une grande envie de tout secouer encore, de repartir dans l’incertitude totale.
Je passe des après-midi dans les magasins de bricolage à prendre des notes, des photos pour comprendre comment les gens achètent leur matériel de bricolage, identifier ce qui compte vraiment pour eux dans leurs achats. J’entretiens un lien distendu avec la hiérarchie et avec le reste de l’entreprise, je suis à côté de l’organisation pour pouvoir lui prêter un regard plus critique, comme une consultante pourrait le faire. Il faut désapprendre, repartir d’une page blanche pour voir sans biais les comportements des utilisateurs.
Même constat encore pour Grégoire chez BackMarket
“Je suis hyper excité par ce nouveau poste, je suis dans l’inconnue la plus totale, c’est la même inconnue qu’au début de BackMarket, c’est un reset. C’est trop bien.” — Grégoire
Il n’y a rien de carriériste dans la démarche.
C’est le moins qu’on puisse dire, elle naît d’une profonde remise en question de la réussite de l’entreprise, parce qu’on se sent viscéralement lié à elle.
Les premiers employés auront toujours cette préoccupation au plus près de leur coeur : comprendre comment la machine tourne, ce qui ralenti la croissance de l’entreprise, ce qui pourrait être le “next big thing”.
“Je sors du management, je ressors les rames, et je vais piloter toute l’expérience client. Je vois tellement de choses dans la boîtes que me font bondir et je suis le seul à le voir parce que j’ai cette vision 360°. Je vais reprendre l’expérience client à la base, en passant des commandes, je vais tout analyser ; voilà comment je vais attaquer ce nouveau taff, en reprenant les bases.” — Grégoire
Quand “quoi” et “comment” vous viennent simultanément, vous avez atteint la maîtrise.
Si l’autonomie est libératrice, elle vient avec son lot d’incertitudes et de questionnements. Nombreux sont les caméléons qui évoquent un besoin de “coaching”, de “guidance” ou de “formation”. Appelez-le comme vous voulez, ce besoin vient du fait que vous n’avez aucune idée de votre niveau de maîtrise des sujets qui vous sont confiés. Personne ne peut vous dire si vous faites les choses mieux qu’hier par manque de données ou d’expérience. Vous êtes seul·e maître·sse de votre performance et c’est intimidant.
Daniel Pink présente les trois sources de la motivation comme : Autonomy (Autonomie), Purpose (Objectif) et Mastery (Maîtrise). Si vous rejoignez une startup early-stage, vous êtes animé·e par sa mission : Purpose ✅ . La croissance va vous donner l’autonomie ; la charge de travail est telle que chacun s’efforce de donner son maximum sans prendre du temps aux autres, et une confiance implicite s’installe entre les collaborateurs·rices, personne n’a le temps de s’assurer de la bonne exécution du travail de chacun : Autonomy ✅.
Reste “Mastery”. Est-ce que ce que je fais les choses bien, est-ce que je m’améliore ? Sans repères, ou comparaison, comment savoir si les objectifs qu’on se fixe sont assez ambitieux ? Comment se donner des repères quand on disrupte ? C’est exactement pour cela que la question du niveau de maîtrise apparaît : vous avez peu de référentiel pour mieux faire votre travail chaque jour. Vous ne savez pas si vous vous améliorez… et c’est pourtant la dernière clé de votre motivation.
Pour pallier à ce problème, j’ai cherché des réponses hors de l’entreprise.
J’ai créé la Product Assembly, une assemblée de product managers des marketplaces françaises les plus influentes. Deux règles pour la rejoindre : Pas de concurrence entre les marketplaces, pas d’agence SaaS. Cette assemblée se composait de product managers de BlaBlaCar, doctolib, (Drivy)Getaround, Balinéa, GuestToGuest, LaFourchette, Meetic, Evaneos Product. Tous les 2 mois, nous abordions un sujet produit sous l’angle des marketplaces.
J’ai appris plus en une Product Assembly qu’en lisant des articles sur le product management. Concrètement, nos premiers process de roadmaps étaient tirés de ceux de Drivy, les évolutions sur notre moteur de recherche inspirées de celles de LaFourchette, et la diffusion de la vision produit des apprentissages d’Evaneos.
Nous venions tous chercher la même chose dans ces meetups : des clés de progression pour atteindre la “product mastery”.
Quelques derniers conseils
Certes nous sommes des caméléons, mais cela ne veut pas dire se morpher en n’importe quel poste et perdre de vue notre motivation.
- Prenez du recul pour alimenter votre maîtrise d’un poste, par exemple avant 9h et après 18h travaillez sur vous, pas sur votre TO DO.
- Demandez de l’aide à l’extérieur pour y voir plus clair sur les tâches à déléguer par la suite.
- N’attendez pas une sollicitation de votre manager pour vous questionner, soyez acteurs et actrices de votre “Mastery”.
La suite…
ARTICLE 2
📚Le syndrome encyclopédie de la boîte : Comment l’éviter et rester focus sur le futur de l’entreprise ?
L’hypercroissance rend la tradition écrite chronophage et compliquée. Les premiers profils recrutés doivent transmettre leur connaissance pour éviter de se faire solliciter continuellement sur l’historique. Conseils et méthodes pour y arriver. 🤓
ARTICLE 3
La remise en question : Quels rituels mettre en place pour valoriser vos compétences, retrouver votre légitimité et redéfinir votre carrière au sein de la startup ?
Le sentiment d’être un couteau-suisse n’est pas forcément très valorisant quand l’entreprise embauche de plus en plus d’experts. Pourtant, les caméléons ont acquis de réelles compétences mais ne prennent que trop rarement le recul pour s’en rendre compte.
ARTICLE 4— Publication à venir le 11/12
⛵️ Partir : Comment savoir si c’est juste une mauvaise passe ou s’il est temps de partir ?
L’entreprise achète votre temps, mais aucun salaire n’approche la véritable valeur de votre temps de vie. Quelles que soient les raisons qui alimentent l’envie de partir, les caméléons oscillent entre la crainte de partir trop tôt et de passer à côté de la réussite du siècle et une démotivation progressive inhérente à la structuration de l’entreprise. Cela devient une plus grosse machine, les prises de décisions sont plus longues et son impact personnel y est moins mesurable.